CLIPS

Quand j'ai écrit ce titre, j'avais déjà imaginé demander à une rappeuse de venir faire un featuring, J'avais envie d'une autre voix de femme qui vient porter le propos du titre autrement. J'y ai renoncé au moment de l'album, plutôt fait dans l'isolement comme on le sait. Et je préfère que mes collaborations viennent de rencontres inattendues. Et puis grâce au programme de mentorat MEWEM pour les jeunes femmes entrepreneuses de la musique, programme européen dont je fais partie en tant que mentore , j'ai rencontré Vicky R. Je l'avais choisie comme mentorée, et j'ai rencontré une fille incroyable, puissante dans la vie comme sur scène. Elle est venue enregistrer ses titres dans mon studio toute l'année avec Sutus, son beatmaker . Alors quand j'ai repensé à cette première envie pour « En chasse », je leur ai demandé à tous les deux d'imaginer un break dans la chanson. On a passé une soirée ensemble dans mon studio, c'était fluide, généreux, drôle, et la version nouvelle vient d'une vraie rencontre forte. « En chasse » c'est un peu la face sombre de « Rosechou », celle qui rappelle que le danger et la violence guettent toujours celles et ceux qui ne sont pas dans la norme. Si ce titre sort aujourd'hui c'est aussi parce que j'ai demandé à Marlène Génissel, formidable et tellement talentueuse réalisatrice de choisir le titre qu'elle avait envie de mettre en images, et c'est elle qui m'a répondu « En chasse » pour ma plus grande joie. Ses images sont belles, fortes, drôles, tendues, et le clip me réjouit. Les Mutants Merveilles qui le peuplent éclaboussent le monde d’avant de leurs forces vives, affirment qu’elles, ils, iels se lèveront toujours en résistance, mais invitent avant tout le reste du monde à rejoindre leur utopie fluide.

C'était un soir de début décembre de 2020. Il était tard, on revenait du tournage du clip de Rosechou. Dans la voiture, Robi a voulu écouter "La nuit est mon arène" à fond dans l'auto-radio. Dans un Paris alors confiné , ces mots qui parlaient d'une nuit vivante dont on était éloigné.es depuis si longtemps résonnaient avec une force sourde. Je me suis mise à chanter en même temps et Robi a saisi son téléphone pour filmer la scène en un plan séquence. La remontée du Boulevard Magenta que l'on descendait serré.e.s les un.e.s contres les autres quelque mois avant pour manifester, ressemblait à une étrange errance à l'envers . On a trouvé les images très émouvantes, et puis on s'est dit qu'il fallait les tourner "pour de vrai " avec une "vraie caméra" et un pare-brise propre. On l'a fait, mais comme on aurait pu s'en douter, ce qui était vrai plus que tout, ce n'était ni la caméra, ni le fait de tourner en sachant qu'on tourne un clip, ni le pare brise que personne n'a jamais vraiment propre. Ce qui était vrai et juste, c'était bien ce premier moment là. Ce plan séquence et ces focus du regard/cadre de Robi. Un souvenir d'une nuit de décembre 2020, où la nuit était notre arène, aussi vide que les rues de Paris.

Entre légèreté façon sixties et manifeste queer en colère contre le « vieux monde tout mort » qui « continue à se faire plaisir », Rosechou a tout pour devenir un hymne irrésistiblement dansant. « Dans toutes mes chansons depuis le début, ce qui traverse c'est la question de savoir comment rester en mouvement dans un monde, une vie, qui imposent en permanence un discours normatif. Tout est fait pour nous fixer quelque part. La résistance c'est la fluidité, le mouvement. « Rosechou » est une figure solaire, un corps qui résiste, un corps qui danse, et qui oppose à tous les discours de conservatisme et de peur une joie militante et salutaire. Ici on chante à tue-tête la fin du patriarcat et on raille l'indifférence totale de celui-ci par rapport au monde qui change. Car oui, décidément, « On veut tout autre chose ! ». KATEL

Réalisé par Julie Gasnier

Julie Gasnier : dessins, encres, conception fresque

« Je t'aime déjà » est à la fois une chanson de rencontre et de rupture amoureuse. Une chanson qui parle de ce moment où l'on quitte un monde pour entrer dans un nouveau. Ce moment où un sentiment très fort arrive, sentiment pour lequel on n’est pas encore tout à fait prêt. C'est aussi un portrait de l'Amour au sens large : quand nous n'avons qu'un seul mot pour nommer tant de réalités différentes, les Grecs, eux, en ont huit. Chaque couplet de « Je t'aime déjà » traverse une ou deux de ces huit définitions : Mania, ou l'amour obsessionnel, Storge ou l'amour familial, Eros ou l'amour érotique, Pragma ou l'amour durable, Philia ou l'amour affectueux, amical, dans le même couplet que Philautia ou l'amour de soi. Puis sur le pont en Créole, Agape, ou l’amour désintéressé, spirituel, qui est ici la sublimation par le chant comme possible transformation de la joie et de la douleur personnelles en quelque chose de plus grand. Et enfin, sur le dernier couplet, en note d'espoir, Ludus, ou l'amour espiègle. L'amour du jeu, qui appartient aux premiers émois et ne demande qu'à durer tant que la légèreté, la vraie, la profonde légèreté, continue de s'inviter dans le rapport amoureux. Si le texte traverse ces visions de l'amour dans une histoire intime, les voix mêlées de Katel et d'Oriane Lacaille, qui chante aussi le pont en Créole, lui donnent une résonance universelle et intemporelle. Sa forme atonale et son rythme imperturbable pourraient appartenir à tous les folks ou aux musiques premières, tout comme les instruments qui donnent au titre sa couleur : le Kayanm d'Oriane, grand shaker plat réunionnais typique du Maloya, ou le Cigar Box de JereM, instrument fabriqué à la main partout dans le monde en utilisant un bidon, des cordes et un résonateur. Le clip réalisé par Julie Gasnier a été pensé comme une fresque constituée de ses encres et de ses dessins, une timeline qui avance au rythme cyclique de la chanson. Les esthétiques de son univers rejoignent la richesse des différentes définitions de l’amour. Multiples, évolutives, elles sont reliées entre elles par un motif de coeurs, symbole de la trame amoureuse, et par le leitmotiv du chat errant, figure libre qui semble poser sur chaque scène un regard interrogateur. « Je t’aime déjà » agit comme une incantation, et nous rappelle à la nécessité d’aimer. 'Kan mi em mi em Kan mi em mi sant Kan mi pleur mi pleur Kan mi pleur mi sant" "Quand j’aime, j’aime Quand j’aime, je chante Quand je pleure, je pleure Quand je pleure, je chante"

 "À l’heure où vient d’être adoptée la loi Sécurité globale, se pose plus que jamais la question de l’image, de l’image flouée, floutée, de l’image fragmentée d’un monde qui ne l’est pas moins, d’un monde en morceau. A travers Sauf qu'on l'arrête, KATEL questionne profondément la violence sur les corps, corps des femmes, corps sociaux, corps interdits , corps minorisés et celle du pouvoir descendant. Puisant dans les archives de ces dernières années, disponibles à tou.t.e.s sur les réseaux, j’ai eu en écho cette vision de nos sociétés, tableaux pixelisés jusqu’au macro abstrait et insaisissable. Absurde. Sauf qu’on l’arrête, l’arrête des angles impossibles qui nous découpent, qui nous empêchent."
ROBI